La concurrence y est moins rude. Des architectes et urbanistes ont choisi de s’implanter dans des territoires ruraux pour exercer leur profession, là où avoir un ancrage local permet de tisser des liens plus facilement et de se créer de nouvelles opportunités professionnelles.  

“C’était l’envie d’être à une heure de la mer, c’était l’envie de pouvoir aller à la montagne”, confie Giuliana Barrientos qui a posé ses valises à Sumène, une petite commune du sud de la France. Après avoir travaillé à Paris, Giuliana Barrientos a voulu changer de cadre professionnel et a créé avec son conjoint Nicolas Cayol, également architecte, sa propre agence. “Je croyais pouvoir monter une agence à Paris mais la concurrence est assez forte et c’était compliqué de choisir ses clients donc on voulait façonner nos projets, avoir notre mot à dire. À Paris ça aurait été compliqué”, explique-t-elle.

Installé dans le Parc national des Cévennes depuis six mois, le couple est agréablement surpris de voir les opportunités de travail se décliner.

Ce qui change beaucoup, c’est qu’à Paris ce sont des échelles très grandes, des territoires compliqués à appréhender, constate Nicolas Cayol. Ici, on peut se rendre compte de la manière dont on peut intervenir localement, essayer de participer à l’amélioration de l’habitat et être vraiment ancré dans le territoire. Ici, on a envie d’être acteur d’un territoire, comme l’est le médecin du village.”

Être ancré localement, c’est aussi le choix qu’a fait le Collectif Etc. Installés initialement à Marseille, ces architectes ont choisi de déménager dans la Drôme pour porter un projet de rénovation d’une ancienne usine textile dans le village de Saint-Laurent-en-Royans. “Depuis quelques années, on cherche à travailler sur la question des lieux, à l’échelle du bâtiment, et ça faisait un moment qu’on parlait d’aller en milieu rural, qu’on avait de plus en plus de projets dans ce contexte-là et on trouve qu’il se passe un tas de choses intéressantes dans les campagnes, explique Théo Mouzard, membre du collectif.

“On est très proches des décideurs”

Selon l’architecte, travailler sur des projets dans les territoires ruraux permet de réfléchir à son approche professionnelle : “Il y a beaucoup moins de moyens donc ça pousse à la créativité, à réinventer les manières de faire et aussi à composer avec les énergies existantes qui ne sont pas illimitées comme en ville”.

Pour Benjamin Norrito, urbaniste et co-gérant de l’agence Scale installée en campagne vendéenne depuis quatre ans, les projets sont plus faciles à mener du fait d’une certaine proximité avec les acteurs du territoire.

“L’avantage de travailler en milieu rural, c’est qu’on est très proches des décideurs.” explique Benjamin Norrito.

“On travaille ponctuellement pour les grosses villes et, soit on ne voit pas les décideurs, soit on les voit de manière ponctuelle. Il y a un jeu d’acteurs plus compliqué”, ajoute-t-il.

Formé à Pau puis à Avignon, Benjamin Norrito a toujours fait le choix de travailler en milieu rural pour des raisons personnelles, tout en étant bien conscient que de s’implanter en pleine campagne est stratégique. “On s’est installés un peu dans un vide car sur notre secteur de Vendée, il n’y pas de bureaux d’études donc on a fait très facilement notre trou et je pense beaucoup plus facilement qu’en milieu urbain. En fait, on voit des trous partout ailleurs en milieu rural, du côté de la Creuse, de l'Indre, de la Vienne et on commence à avoir pas mal de sollicitations car les bureaux d’études n’y vont pas.”

Benjamin Norrito constate également une “pénurie” d'architectes en milieu rural et peine à trouver des professionnels pour travailler sur certains projets. Faire la ville à la campagne, c'est aussi travailler autrement. Au final, le concept a de quoi séduire.