Les villes pèsent lourd dans la géopolitique et dans les politiques internationales. La guerre qui se déroule en ce moment en Ukraine l’illustre presque parfaitement. Les grandes villes d’Europe mobilisées multiplient les engagements et les annonces politiques, parfois avant les Etats eux-mêmes, parfois en désaccord avec les visions de ces derniers. Des décisions qui viennent s’ajouter aux condamnations venant des Etats et de l’Union Européennes et dirigées contre la Russie.

Depuis le début du conflit, en dehors des monuments et lieux de pouvoirs illuminés aux couleurs du drapeau ukrainien, de Paris à Londres en passant par Milan, Prague, Copenhague et Berlin, la plupart des grandes villes d’Europe affichent un engagement franc en faveur de l'Ukraine. Kostas Bakoyannis, le maire d'Athènes, appelle d’ailleurs ses homologues européens à être “très clairs" quant à leur position sur ce conflit.

Paris et Berlin illuminées aux couleurs du drapeau ukrainien en signe de solidarité

Les manifestations de solidarité matérielle et politique de la part des grandes villes sont légion et pèsent dans ce conflit.
Les maires finlandais de Helsinki, Tampere, Turku, Espoo, Oulu, Vantaa ont par exemple décidé d’envoyer 1.5 millions d’euros en Ukraine.
Paris accueille le Kiev City Ballet au théâtre du Châtelet (un bel outil de soft power Ukrainien), se déclare aussi ville refuge, propose d’accorder la citoyenneté d'honneur à Kiev et met en place une cellule de crise pour venir en aide aux réfugiés ukrainiens. Ils seraient déjà environ 4 000 dans la capitale française. Prague héberge en ce moment entre 35 000 et 40 000 réfugiés ayant fui la guerre. À Varsovie, ils sont 300 000.

Samedi, nombreuses étaient les villes tweeter le hashtag #CitiesWithUkraine pour annoncer leur engagement à recevoir les réfugiés ukrainiens.
L’impact sur ce qui se joue entre la Russie et le reste du monde n’est pas négligeable. Pour preuve, le président Ukrainien Volodymyr Zelenskyy a pris le temps de s’exprimer en direct le 12 mars dans un discours  à l’attention des 200 villes membres du réseau Eurocities et de leurs citoyens.

Les grandes métropoles : un contre pouvoir face à l’Etat

Bien sûr, les villes ne font pas la loi, mais impulsent des changements. Au cours des dernières années, ces impulsions venues des villes ont touché à tous les grands enjeux de notre époque : transition écologique, mobilité, accueil, encadrement de certaines activités économiques… les mairies ayant jugé d'elles-mêmes, sans attendre l’aval de l’Etat, que les situations constituaient une raison impérieuse justifiant le fait de faire naître de nouvelles réglementations.
Rien que depuis 2020, ce sont les villes qui ont imposé la réduction des déplacements en voiture et la transition vers des mobilités moins polluantes, obligé Airbnb à se soumettre à leurs autorisations pour toute location de courtes durées, ou encore qui ont demandé l’obligation du port du masque en extérieur au début de l’épidémie de Covid-19…
A chaque fois, des initiatives locales nées dans les mairies ont débouché sur des réglementations nationales ou internationales.


Des institutions existent et prennent de l’ampleur pour alourdir le poids géopolitiques des villes

C’est par exemple le cas d'Eurocities, un groupe de 200 villes européennes à travers 38 pays (y compris hors UE) engagées à coopérer en cas de crise. Eurocities revendique 130 millions de citoyens, qu’elle embarque avec elle à travers les combats de notre temps : accueil des migrants et des réfugiés, gouvernance participative et citoyenne, égalité sociale, zéro carbone… Très actif pour soutenir l’Ukraine face à l'agression russe, le groupe est à l’origine de dizaines de manifestations et d'appels à la solidarité.

Des groupes plus anciens permettent aux villes de coopérer en faveur de la transition écologique, sans attendre l’action des Etats. Le C40 (Cities Climate Leadership Group), par exemple, regroupe 94 villes décidées à agir, entre elles, pour lutter contre le réchauffement climatique.
Une sorte de “G20 des grandes villes” qui assume une position de contre-pouvoir face à l'urgence de la situation. En 2019, le C40 s’est même doté d'une plateforme dédiée pour permettre aux villes d’engager des recours légaux contre les Etats qui ne respectent pas les accords de Paris.
Une initiative qui illustre le rôle de contre-pouvoir que peuvent, ou souhaitent jouer les grandes villes mondiales compte tenu de l’urgence et la puissance des crises, face à des Etats dont elles jugent l’action insuffisante ou tout simplement mauvaise.