S’installer en habitat léger sur des terrains non constructibles ressemble parfois à un véritable parcours du combattant. Des citoyens militent pour faire bouger les lignes, quitte à être sciemment dans l’illégalité.

Jonathan Attias et Caroline Perez ont quitté le monde parisien en 2018 pour s’installer en pleine forêt. Le couple a rejoint une petite communauté du village de Chasteaux en Corrèze, et s’est attaché à défendre un mode de vie et un mode d’habitat. En effet, ces citoyens qui ont choisi de vivre dans des cabanes auto-construites, se trouvent sur des parcelles non constructibles et certaines de ces habitations sont parfois implantées sans l’accord des propriétaires. “Ces personnes habitent illégalement dans une zone à risques. Il peut y avoir des glissements. Or on ne sait pas combien de personnes séjournent dans cette zone. En cas de problème ou de sinistre, on ne sait pas combien il faudra envoyer de secours”, expliquait le maire de la commune à France 3, en mars 2021.

Le couple milite alors pour permettre de faciliter l'installation à ceux qui voudraient vivre en harmonie avec la nature, dans une démarche écologique. En Corrèze, les deux anciens parisiens ont ainsi construit leur propre cabane à partir de ressources locales (terre, paille) et de matériaux de récupération (bâches, fenêtres). “On avait un panneau solaire pour l’électricité, un frigo enterré puisque la terre conserve les aliments à 12 degrés. L’eau arrivait jusqu’au robinet par une source un peu plus haute, par la gravité”, se souvient Caroline Perez.

La “désobéissance fertile”

De ce retour à la nature est né “Désobéissance fertile” : un mouvement, une association mais aussi un livre pour ceux qui souhaitent participer à “agrader” les territoires, c’est-à-dire améliorer l’environnement dans lequel les humains vivent. Et puisque la loi ne permet pas de vivre en harmonie avec la nature, il faut pouvoir s’en affranchir.

“Il nous arrive d’avoir peur mais on a plus peur de notre inaction que d’aller un jour en prison parce qu’on a fait les choix qui nous semblent les plus justes”, confie Jonathan Attias.

En effet, les terrains constructibles ne sont pas accessibles à tous et investir les zones naturelles ou agricoles relève du parcours du combattant. Les STECAL (secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées), permettent l’installation d’habitat léger en zone non constructible mais en faire la demande reste compliqué. Cette mesure étant une éventualité et non une obligation.

Si le combat n’est pas encore gagné pour les défenseurs des cabanes du Lavandou, les habitations sont aujourd’hui toujours debout. “Les gens comprennent que ce sont les menaces de ZAD (zone à défendre) qui vont permettre de pérenniser une installation, explique Jonathan Attias. On sait que la loi est défavorable donc quel que soit le résultat, on va défendre ces cabanes. C’est comme ça que l’on obtient des victoires en matière de droits sociaux, c’est lorsqu’il y a une contrainte, c’est jamais à travers la suggestion qu’on va pouvoir avancer”.

Faire évoluer la loi

Aujourd’hui, Jonathan Attias et Caroline Perez sont installés aux portes de la Dordogne et continuent leur action militante au “croissant fertile”, une prairie achetée pour pouvoir faire une expérimentation “d’agradation”. La mairie, plutôt ouverte aux projets d’habitats légers déjà présents sur le territoire, envisage de faire des demandes de STECAL. Mais pour Jonathan Attias, il faut aller plus loin. “On est à un moment de discussion pour voir si leur souhait va être de se conformer au cadre existant ou d’être force de propositions, en expérimentant.”

L'accueil de l’habitat léger dépend de la loi, de la mairie mais aussi des acteurs locaux et des populations parfois peu enclines à voir arriver des néoruraux. Désobéissance fertile travaille alors à établir une charte qui pourrait permettre de lister des prérequis à remplir avant l’installation d’habitats légers sur des terrains non constructibles. “Cette charte serait faite démocratiquement pour impliquer les usagers et la commune où tout le monde convient de prérogatives, explique Jonathan Attias. On a des mairies qui seraient partantes pour le faire, soit en utilisant le droit d’expérimentation des communes, soit en s’octroyant ces possibilités à travers des arrêtés municipaux.”  

Avec leur mouvement, Jonathan Attias et Caroline Perez aspirent à apporter un réel changement. Ils ont notamment créé une plateforme de mise en relation entre propriétaires et usagers pour qu’ils puissent disposer gratuitement de terrains. Si beaucoup de personnes vivant dans l’illégalité restent dans l’ombre, le couple assure recevoir de nombreux messages et constate que de plus en plus de pétitions pour la sauvegarde d’habitat légers circulent. “Tu prends soin de la nature et tu dois te cacher. Nous, ça nous semble aberrant comme positionnement, on veut que les gens soient fiers de ce mode de vie”, souligne Caroline Perez.