Vivre dans une logique d’autonomie, dans la nature, à moindre coût, sans abîmer les sols…l’habitat alternatif a de quoi séduire. Si la loi ALUR tend à favoriser l’installation d’habitats légers dans les zones non constructibles, les personnes se heurtent à la réalité administrative parfois complexe.

“On a choisi de travailler pour vivre, pas pour rembourser nos emprunts et notre loyer”, confie Christophe Perdreau. Cet ancien chauffeur livreur a opté pour un mode de vie radicalement différent en choisissant de s’installer avec sa famille dans plusieurs micromaisons. “On est en autonomie totale. On a la machine à laver qui fonctionne, on a notre télévision, on a tout comme une maison normale. Les gens disent que nous sommes dans une cabane mais non !”

“On ne peut pas se soustraire aux règles d’urbanisme”

Christophe Perdreau a investi ses économies pour acheter un terrain agricole à Autrecourt-et-Pourron, un petit village des Ardennes. Ce spécialiste du bois a entièrement fabriqué son nouvel habitat qu’il a décidé de déposer sur sa parcelle. Pour assurer son autonomie, le quinquagénaire a installé des panneaux solaires, des toilettes sèches, un poêle à bois et a creusé un puits. Un  mode de vie finalement écologique qui s'inscrit dans une démarche d’économies financière au quotidien. Mais les aspirations de Christophe ont vite été freinées par le code de l’urbanisme. En effet, le terrain se trouve en zone non constructible ce qui rend l’installation de ces tiny houses impossible.  

Christophe Perdreau est désormais menacé d’expulsion et a jusqu’au mois de juin 2022 pour faire ses valises. Il avait pourtant pris soin de s’entretenir avec la mairie lors de l'acquisition de son terrain pour exposer son projet. “Le maire n’était pas contre, se disant que ça pourrait faire une activité supplémentaire dans le village”, assure-t-il.
En plus, des micromaisons, Christophe souhaitait en effet installer une scierie. L’objectif étant de travailler en tant qu’exploitant forestier agricole pour prendre soin de son épouse, atteinte d’une maladie dégénérative. “L’idée, c'était de s'installer sur ce terrain à l'écart du village pour travailler, couper du bois sur place et surveiller ma femme qui ne peut pas être toute seule”. Peu après l’achat du terrain, l’arrivée d’un nouveau maire à la tête de la commune perturbe les ambitions de Christophe. L’édile lui explique qu’il ne peut pas vivre dans ses tiny houses qui, bien que sur un terrain privé, sont techniquement installées de manière illégale.

Les 2 'tiny houses" de Christophe dans lesquelles il vit avec sa famille.

“On ne peut pas se soustraire aux règles d’urbanisme”, résume alors Brice Parisot, le maire de la commune dans les colonnes de L'Ardennais, soulignant le fait que le terrain est excentré et inaccessible aux secours.“S'installer en habitat léger, c’est très compliqué ! Si j’avais su aujourd’hui, j’aurais prévu autre chose”, se désole Christophe Perdreau qui ne pensait pas que l’installation d’un habitat réversible sur son terrain était illégale.  

Crédit video : L'Ardennais

Réalité administrative et volonté politique

Le quinquagénaire n’est pas le seul à faire face aux difficultés administratives de l’habitat léger.
“On a coutume de dire qu’au moins 90% des personnes vivant en habitat léger se trouvent aujourd’hui dans l’illégalité en France”, assure Paul Lacoste, membre de l’association Halem (Habitants de Logements Ephémères ou Mobiles) qui propose notamment un accompagnement. Pourtant, une disposition de la loi ALUR tend à favoriser l’installation d’habitats légers même sur les zones non constructibles. Un habitat mobile ou facilement démontable peut, en effet, être installé sur un STECAL, un “secteur de taille et de capacité limitée”. Les STECAL permettent donc d’assouplir les règles qui régissent le type de bâtiment qu’il est possible d’installer sur un terrain agricole. Chaque commune peut en intégrer au moment de la révision des PLU. Côté terrain constructible, une déclaration doit être formulée auprès de la mairie. Si les démarches administratives peuvent parfois s’avérer complexes ou sont tout simplement ignorées, l’installation de l’habitat léger dépend aussi du bon vouloir des élus.

C’est vraiment une question de culture de l’habitat léger qui a une image très dévalorisée. Si les maires sont volontaires, ils n’ont pas trop de mal à trouver les moyens d’autoriser”, explique Paul Lacoste.

Christophe Perdreau est aujourd’hui en discussion avec l’édile d’une commune voisine qui serait prêt à accueillir son projet. S’il s’agit également d’un terrain agricole non constructible, le maire serait ouvert à la possibilité d’installer un bâtiment pour la scierie, ainsi qu’une petite maison de gardiennage.