Le 23 janvier 2023, la Cour des Comptes a publié un rapport intitulé "l'organisation territoriale de la Métropole du Grand Paris : bilans et perspectives." Le rapport pointe une "métropole des maires" peu encline à solutionner les enjeux en matière de logement, d'hébergement d'urgence, d'aménagement, d'investissement mais des signes encourageants en matière d'environnement, de santé et de dynamisation des centres urbains. Morceaux choisis.

Un SCoT insuffisamment prescriptif

En janvier 2022, la Métropole du Grand Paris a arrêté son premier schéma de cohérence territoriale (SCoT) qui, selon l’avis des services de l’État, est insuffisamment prescriptif et territorialisé.

Un plan logement et hébergement d'urgence à l'arrêt

Par ailleurs, la MGP n’est pas parvenue à arrêter son plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH). La MGP est selon les termes de la Cour des Comptes "empêchée" de devenir l’acteur stratégique de l’habitat et de l’hébergement sur son territoire, ce qui était pourtant l’une des raisons fondamentales de sa création par le législateur.

Aménagement cherche intérêt métropolitain

Dans le champ de l’aménagement urbain, la loi permet à la MGP de prendre en charge toute opération qu’elle juge d’intérêt métropolitain sur la base d’un vote de son assemblée délibérante. À défaut, la compétence relève de droit de l’établissement public territorial (EPT) concerné. Or, la métropole n’a déclaré d’intérêt métropolitain qu’une seule opération en cours (zone d’aménagement concerté - ZAC - des Docks à Saint-Ouen) et seulement six opérations nouvelles.

Investissement en berne

Toujours selon le rapport de la Cour des Comptes, la création de la MGP et des EPT n'a pas eu un impact significatif sur l’investissement global par rapport à la période antérieure. De 2017 à 2019, les dépenses d’investissement des collectivités du Grand Paris ont augmenté de seulement 180 M€. Cette hausse (+ 3 %) a été inférieure à l’évolution générale des prix ou à celle de l’indice du coût de la construction (+ 5 %). De plus, elle a été principalement due aux communes.

IMGP : oui... mais non !

Les « Inventons la métropole du Grand Paris » connaissent une audience notable mais sont déconnectés des orientations stratégiques en matière de production annuelle de logements ou de rééquilibrage est/ouest.

Gouvernance : une "Métropole des Maires" inadaptée pour répondre aux enjeux

Les communes membres de la MGP forment une mosaïque formidablement hétéroclite par leur population respective (de 1 800 habitants à Marnes-la-Coquette jusqu’à 2,2 millions d’habitants à Paris), leurs caractéristiques socio-économiques (revenu moyen des ménages, taux de chômage, taux de pauvreté), leur tissu économique, leur niveau respectif de richesse (potentiel fiscal, niveau de charges). Au sein d’un tel ensemble, construire une convergence des intérêts en matière d’aménagement urbain, de réponse aux besoins de logements ou de développement économique est une tâche ardue. L’exécutif de la MGP a fait le choix d’une « gouvernance partagée » qui se traduit par la recherche, pour la plupart des délibérations soumises au vote du conseil métropolitain, du plus large consensus parmi les communes. Cette recherche systématique de l’approbation quasi unanime des communes favorise l’émergence du plus petit dénominateur commun. Elle n’est pas propice à l’émergence d’un véritable projet de territoire.

Des faiblesses en partie dues aux moyens financiers

Les faibles moyens propres de la MGP.

Les budgets contraints des EPT.

L'affirmation des compétences environnementales

C'est le point positif mis en avant par la Cour des Comptes :

=> l’adoption du plan climat-air-énergie métropolitain et des plans associés

=> l'instauration de la zone à faible émission (ZFE)

L'auto-saisie d'actions à la marge des compétences de la MGP

L’opération de développement « Centres-villes vivants »

La volonté d’une « politique de santé métropolitaine »

Les défis restant à relever

Les politiques métropolitaines de l’aménagement et de l’habitat tant elles constituent pour l'heure un déficit stratégique majeur.

La réalisation du Plan Métropolitain de l'Habitat et de l'Hébergement (PMHH) pour enfin passer à l'action.

L'articulation des politiques d'aménagement entre EPT.

La Cour des Comptes identifie par ailleurs des évolutions spécifiques

Concernant les EPT et les communes : une intégration territoriale souvent inaboutie mais en progrès. A noter toutefois, l'action encore limité des EPT en matière de logement, s'expliquant par le fait que les communes sont encore des actionnaires déterminants des opérateurs d’aménagement et gardent la main sur la gestion des logements sociaux.

Les préconisations de la Cour des Comptes

La nécessité d’une réforme progressive mais ambitieuse de l’organisation territoriale du Grand Paris. Trois scénarios principaux demeurent :

La suppression des EPT et l’absorption de leurs compétences et ressources par la MGP seraient source de simplification mais accroîtraient encore le constat d’une « métropole des maires ».

L’instauration d’une métropole composée de la Ville de Paris et d’EPT dotés du statut d’EPCI à fiscalité propre présenterait de réels avantages, notamment de gouvernance.

L'instauration d'une métropole composée des départements de la petite couronne, qui absorberait les compétences des EPT. Cette solution permettrait, entre autres, de rationaliser l’organisation territoriale du Grand Paris et de rééquilibrer sa gouvernance face au poids de la ville-centre.

A noter que pour la Cour des Comptes, la plupart des scénarios de réforme supposent de profonds réajustements institutionnels. Ils relèvent du débat démocratique et de choix du législateur.

Trois scénarios qui ont pour objectif de :

=> simplifier l’architecture institutionnelle

=> restaurer la cohérence des deux échelons intercommunaux : il apparaît incohérent que la MGP soit construite sur la base du seul regroupement de 131 communes alors qu’elle partage ses principaux champs de compétence (développement économique, aménagement, habitat) avec les EPT et non avec les communes qui les leur ont transférés

=> renforcer l’intégration du bloc communal et assurer son financement pérenne.

=> garantir un meilleur équilibre territorial et renforcer la péréquation financière

Que nous apprend le rapport de la Cour des Comptes ?

Pas grand chose en fait. Elle confirme que l'organisation de la métropole parisienne n'est pas adaptée à relever les défis déjà identifiés lors de la création de Paris Métropole en 2006 et du lancement du Grand Paris Express en 2011. Elles confirment également que nos exécutifs sont peu enclins à la coopération entre territoires sur les enjeux qui ne peuvent se régler que par la collaboration. Néanmoins, quelques curseurs commencent à bouger, notamment sur les questions d'environnement, de santé et de revitalisation des centres urbains. Souhaitons qu'ils aient un effet boule de neige !