La voiture a non seulement façonné les paysages et empiété sur les espaces en ville, mais elle s’est aussi invitée dans notre intimité en venant dessiner nos logements. Dans les immeubles contemporains, la construction de places de parking en souterrain a dicté la largeur du bâti impactant la distribution des appartements et leurs plans. Certains de nos espaces de vie sont donc tels qu’ils sont en partie parce que des véhicules se garent en dessous.

Le diktat du parking date du mouvement moderne où la voiture façonnait la manière de concevoir nos villes, rappelle Romain Ter Hofsteede, jeune architecte au sein de l’agence Architecturestudio. En formation d’architecte on ne nous apprend pas, ni ne nous encourage à tout faire en fonction du parking, bien que les trames qu’on utilise en dépendent souvent.

La trame du parking joue sur l'épaisseur du bâti

Le parking peut conditionner la structure des immeubles de logements : par exemple lorsque des promoteurs demandent aux architectes de rationaliser la structure pour limiter les coûts de construction. Cette exigence de rationalisation amène des architectes à caler la profondeur du bâtiment sur celle du parking en positionnant les murs de façades de part et d'autre de celui-ci. Cette logique a conduit à un épaississement des bâtiments, passant d’environ 12 mètres à 16 mètres de profondeur.

Impacts sur l’orientation et les dimensions les logements
Ce n’est pas sans conséquences sur la forme des logements : ils se retrouvent davantage mono-orientés. “La largeur plus étroite des anciens immeubles permettait d'avoir des appartements principalement traversants”, relève Maximilien. “Avoir moins d'appartements traversants à cause de la largeur des parkings en dessous, eux-mêmes contraints par la taille d'une place de parking, est une vraie régression en termes de flux d'air mais aussi de lumière, estime-t-il. Des logements se retrouvent plein nord alors qu'ils pourraient être nord/sud ou est/ouest - ce qui impacte aussi la facture de chauffage en hiver.

Dans certains cas, les trames de places de parking peuvent tailler les dimensions même des pièces à vivre avec le rapport 1 place de parking = 1 chambre, 2 places de parking = 1 séjour. Les murs porteurs entre les appartements se superposant aux poteaux-poutre du parking et le mur d’une chambre sur celui du poteau de la place de parking. Heureusement, ce modèle est moins présent aujourd’hui mais ces bâtiments sont encore en usage et nos espaces de vie sont donc toujours largement contraints par la taille des parkings.

1 place de parking = 1 chambre, 2 places de parking = 1 séjour

Des moyens architecturaux pour désépaissir les bâtiments

Des évolutions structurelles ont permis de s'affranchir de la corrélation parfaite entre la structure du bâtiment et la trame du parking. “La tendance est aujourd'hui au bâtiment réversible où la structure permet d’aménager l’espace facilement et librement en fonction des besoins”, indique Romain Ter Hofsteede.
A noter que beaucoup de critères, autres qu'économiques, viennent façonner les projets et réduire ainsi l’influence du parking : les règles d’urbanisme, les normes de construction notamment d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR), le parti pris architectural, le confort d’usage, etc. Des architectes engagés incitent des promoteurs à faire des projets plus qualitatifs quitte à rogner un peu sur la rentabilité. L’implication de la commune joue aussi. Les règles d'urbanisme et les chartes d'habitat - que les promoteurs ont souvent l'obligation de signer - poussent à une amélioration de l'habitat, avec par exemple l'obligation de prévoir une double orientation à partir des T3 ou encore des espaces extérieurs du type loggias à partir des T2.

Pour autant, le parking prend toujours une grande place dans la construction, surtout lorsque les PLU imposent de faire correspondre le nombre de places de stationnement avec le nombre de logements, signale Elsa Dupont, architecte indépendante. “Par exemple, pour les terrains en diffus, le choix de la parcelle se fait en fonction de la possibilité d'accueillir ou non un parking de par ses dimensions et la nature de son sol. Si la parcelle est trop étroite, il sera difficile de pouvoir organiser une rampe de parking et des stationnements. Le promoteur ne choisira donc pas forcément de réaliser du logement à cet emplacement.