Nous n’avons pas le droit de rater certaines opportunités. Les Jeux Olympiques 2024 en font partie car ils constituent un accélérateur d’innovations. Quel est l'enjeu ? Les JOP 2024 semblent reposer sur un plan de mobilité trop fragile pour assurer le cheminement des spectateurs dans de bonnes conditions. Quelle alternative réaliste envisager ? Un plan B ou plutôt un Plan V(élo). Crédit photo Dutch Cycling Embassy

60 Coupes du Monde de foot en 29 jours

Les JO, c’est gigantesque ! L’équivalent de 60 Coupes du monde de football. Pendant 29 jours – Jeux Paralympiques inclus – 600 000 visiteurs chercheront leur chemin dans le Grand Paris.

Comment absorber ces flux énormes ? Le Comité des JO 2024 (COJO) et Île-de-France Mobilités avaient initialement prévu de répartir les déplacements de la sorte : transports en commun, vélo et marche à pied. Ils avaient envisagé, par exemple, des « voies olympiques cyclables » pour fluidifier les 120 000 déplacements à vélo quotidiens supplémentaires, l’équivalent de l’ensemble des déplacements Vélib' journaliers.

Si ça pète...

Entretemps, nous avons appris que trois nouvelles lignes du Grand Paris Express – socle du plan de mobilité – ne seraient pas finies à temps. Une seule le sera (la ligne 14 entre Orly et Saint-Denis-Pleyel). Deux autres ne le seront qu’après les JO : la ligne 16, pourtant dénommée « ligne officielle du Grand Paris pour les JO », et la ligne 17 reliant Saint-Denis Pleyel au Mesnil Amelot.

Par ailleurs, Marc Pélissier, représentant des usagers des transports en commun (FNAUT), pointe la fragilité des lignes existantes : les RER B et D sont vieillissants et dysfonctionnent régulièrement. « Si ça pète ça va être très compliqué, et on n’aura pas vraiment de Plan B », affirme-t-il dans un article du journal Le Parisien.

Un simple faisan

Autre risque à prendre en compte : d’éventuels mouvements sociaux lors des JO. La finale de ligue des Champions au Stade de France en est une illustration très parlante. Une grève du personnel du RER B conjuguée à une fraude de billets avait entrainé des scènes de chaos : mouvements de panique, supporters gazés... Une scène inimaginable pour les organisateurs des JO.

La relative fragilité des transports en commun ne s’arrête pas là : deux mois plus tard, un simple faisan percutait un RER, paralysant la gare de l’Est pendant quelques heures. En août 2022, un déluge provoquait la fermeture de huit stations de métro et la perturbation d’une ligne supplémentaire pendant quatre heures. Autre risque potentiel : une nouvelle pandémie (covid ou autre). Elle rendrait les transports en commun inopérants et compromettrait l’organisation des épreuves sportives qui pourraient être maintenues (avec une distanciation physique adaptée).

Face à tous ces risques, le vélo a une véritable carte à jouer. Pourtant, lors de la présentation du plan de mobilité le 29 juin 2022 par les organisateurs, le mot «vélo» n’a même été prononcé. Pourquoi refuser de prendre en compte le vélo comme partie de la solution ?

Si la Formule 1 y arrive...

Pourtant des exemples inspirants existent. Lors de la course de Formule 1 à Zandvoort, pas moins de 34% des 100 000 spectateurs s’y sont rendus à vélo. Cette spécificité n’est pas réservée qu’aux Pays-Bas. Pour le championnat de France de rugby (Top 14), la Ville de Bordeaux a prévu une flotte de vélos, qu’elle a même dû augmenter dans l’urgence pour pallier à une panne de tramway. Un concept attractif a été mis en place : « un parcours de sept kilomètres balisé, animé et sécurisé permettant aux supporters de vivre une expérience unique ». Avec bien sûr un parking sécurisé à l’arrivée et même une entrée au stade dédiée pour les cyclistes. Une expérience réussie et reconduite en 2022 à Nice.

Barrière culturelle

La barrière culturelle est une vraie difficulté. Pourtant, elle a déjà sauté ou a minima est sur le point de se lever (alors dans deux ans…). De quoi je parle ? De la troisième révolution du vélo en Île-de-France. La première a consisté en 2015 à prendre en compte le vélo comme un mode de transport à part entière via le Réseau Express Vélo (rendu notamment possible par l’association Paris en Selle).

La deuxième : faire du vélo un mode de transport massif pour toute une région. C’est devenu une réalité grâce au RER V, imaginé par le Collectif Vélo Île-de-France et porté par la Région Ile de France. Son succès a été amplifié lors de la pandémie, qui a amené les autorités à trouver une alternative aux transports en commun.

La troisième et dernière révolution : faire du vélo un mode de transport significatif pour les grands évènements internationaux. Il s’agit d’une révolution en phase avec le besoin de la société de lutter contre la sédentarité et avec la tendance croissante du design actif consistant à favoriser l’activité physique en ville. Mais, on a le sentiment que les autorités publiques n’arrivent pas à franchir le pas.

Évitons un « vélogate »

Cette troisième révolution aura lieu quoi qu’il arrive. Pourquoi ? D’une part, en raison de la sensibilisation croissante des populations aux effets du réchauffement climatique. D’autre part, pour de simples raisons de sécurité et de fiabilité. Les associations vélo souhaitent que les infrastructures provisoires (stationnements et pistes) deviennent un héritage utile et durable, si cher aux organisateurs des JO. Enfin, parce que les spectateurs étrangers seraient surpris que le vélo ne fasse pas partie de la fête tant l’image du vélo à Paris est reprise dans les médias internationaux. Ce décalage entre l’image perçue et la réalité serait terriblement dommageable.

Les loueurs de vélo ont d’ailleurs déjà commencé à démarcher les hôtels. Car nombre de clients souhaiteront se déplacer et visiter la ville à vélo lors des JO 2024. Peut-on imaginer que les organisateurs des JO n’aient pas anticipé cette demande et cherché à l’organiser de la manière la plus fluide possible avec les professionnels concernés ? Plus personne ne veut revivre le souvenir des trottinettes électriques jonchant les trottoirs. L’iceberg est largement identifié et il est encore temps de mettre les mesures en place pour l’éviter.

Ce que les JO 2024 vont changer

Quel héritage veulent laisser les JO 2024 ? Le village olympique ? Il constitue un élément positif mais n’engendrera pas un engouement populaire largement partagé. Les trois piscines ? Elles représentent un rattrapage indéniable dans un département qui en a tant besoin. Une énième certification ISO 20121 destinée à une gestion rigoureuse des enjeux environnementaux et sociaux ? On peut en douter. Des stades entièrement digitalisés ? Ou bien le premier évènement sportif mondial où des centaines de milliers de visiteurs se déplaceront à vélo, changeront l’image de la ville contemporaine et s’en feront les ambassadeurs à l’étranger ?

Stein van Oosteren

Auteur de « Pourquoi pas le vélo ? » et conférencier